Ce long discours a été écrit "sur commande" par Kandide, pour le départ en retraite d'André.
Si vous aussi vous avez besoin d'une "plume" pour dire "au revoir", Kandide vous prête sa plume :
LE DISCOURS DE DEPART EN RETRAITE
Cher André, si tu permets que je t’appelle André, tu as décidé de partir en retraite. Compte tenu des circonstances je serais presque tenté de dire battre en retraite. Tu vas abandonner tes positions, ce qui, personne ne s’en étonnera, va décevoir Marie-Thérèse qui, pas plus tard que la semaine dernière, me confiait, une lueur d’admiration dans le regard, « Tu vois, ce que j’apprécie chez André, c’est qu’au moins lui, il sait tenir ses positions, ce n’est pas comme… » Par discrétion, respect et délicatesse, j’ai remplacé les noms par trois points de suspension.
Je me suis penché sur la carrière d’André, me disant qu’il avait dû faire dans le classique en commençant comme grouillot porteur de plis, effaceur d’ardoises, sémaphore de corbeille, puis à force d’abnégation, de travail acharné, de cours du soir et de sacrifices il avait gravi une à une les marches du marché, ce marché et ses lois que seuls les initiés, cambistes, traders, analystes, banquiers et autres golden boys, qui aujourd’hui les ont, connaissent mais que manifestement ils ne comprennent pas. Mais rien de tout cela dans la carrière d’André. Pour parodier Gilbert Bécaud, on n’a jamais pu dire de toi « Il fait des bulles, il fait des bulles ». Avec André pas de « plan plan » sur la comète, pas de virtuel, pas de château en Espagne, du réel, du vrai, du durable.
Discret, d’un commerce agréable mais redoutablement efficace, André, plus connu dans la profession sous le nom de Dédé le druide, tel un chêne, autrement plus efficace que ces glands de l’écureuil, a toujours su faire preuve de calme même au milieu des pires tempêtes. Si je n’ai pu vérifier son influence quant à la création du franc-or, du moins déjà en 29, il a su déceler les signes avant-coureurs de la grande dépression. En 44, visionnaire, secondé en cela par Keynes, il conçut l’architecture des célèbres accords de Bretton Woods. Pragmatique, en 71, il conseille à Nixon la fin de la convertibilité dollar-or.
Mais ce serait lui faire insulte que de vouloir résumer sa carrière, si ce n’est pour dire qu’aujourd’hui encore, comme l’or, André demeure la valeur refuge, comme le phare, il est la lumière au milieu de l’océan d’inactives actions qui nous entraînent vers les fonds et les tréfonds spéculatifs, comme le sauveteur, il est la bouée à laquelle s’accrochent nos espoirs vacillants. Et oui, André, contrairement à Patricia qui me disait qu’il était temps que tu partes, je te supplie de rester même si aujourd’hui tu ne reconnais plus tes petits qui faute de grandir deviennent obèses.
Mais je sais que rien ne te retiendra. Si de nombreux paradis sont devenus fécaux, le tien sera fait d’eau et de terre sur laquelle s’épanouira ton bonheur et si il n’y a qu’un titre que tu feras tiens et que tu revendiqueras ce sera celui de retraité mais retraité plein d’actifs.